le massif du Mont-Blanc est un joyau !
Comme tout joyau il mérite soins et attention.
Mais qu'en est-il ?
Il y a de tout, et on voit de tout dans la montagne:
les téméraires, les imprudents (qui partent en sandales et sans vêtements), les passionnés, les compétiteurs (qui n'ont pas le temps de l'apprécier) les rêveurs, les poètes, les incivils (qui pensent que la neige recouvrira bientôt mouchoirs en papier, mégots, plastiques, canettes que l'on a la force de monter pleines mais pas de redescendre vides ) etc....
Bref, tout ce petit monde accueilli avec beaucoup de plaisir par les "autochtones" qui a en commun d'aimer la montagne, doit apprendre à la côtoyer avec respect car malgré les apparences elle est devenue fragile.
Il convient de s'y intégrer avec délicatesse.
Il n'y a pas que le Mont-Blanc dans le massif ou , pressés , ils se propulsent par centaines pas toujours préparés et acclimatés , chaque jour, en vue d'atteindre et de vaincre son sommet mythique.
Il y a des milliers de parcours de randonnées en mesure de satisfaire les plus exigeants.
Il ne faudrait pas oublier les victimes quotidiennes d'accidents plus ou moins graves et parfois mortels qui monopolisent les sauveteurs dans des conditions qui peuvent mettre en danger leur propre sécurité.
La poche du glacier de tête rousse, site classé, demande une surveillance constante et inquiète les habitants du secteur et les responsables locaux ; si elle lâche il faut en 10 minutes être à l'abri sous peine comme le 12 Juillet 1892 de voir des centaines de victimes et de toutes façons des dégâts matériels considérables.
Le secteur du refuge du goûter avec dans quelques semaines un nouveau refuge flambant neuf et magnifique est envahi de tentes dont les occupants en attente de gravir le sommet laissent traîner et oublient souvent leurs détritus.
Que faire ? Certains pensent qu'il faut interdire les sites trop fréquentés ou les réglementer.
Je ne crois pas que ce soit une bonne solution ; la montagne doit rester un espace de liberté.
Par contre , oui, il faut inlassablement communiquer, insuffler, éduquer, afin de protéger la beauté du lieu et tenter d'éviter les catastrophes parfois prévisibles.
je n'ai aucune compétence, seulement la conscience aiguë qu'il vaut peut-être mieux se contenter de regarder simplement avec un peu de recul.
la beauté des paysages acquis (ou conquis) par la marche est supérieure parce que elle apparaît au marcheur sous la figure d'une récompense dit a peu près Frédéric Gros philosophe et marcheur.
Cette figure , Epicure l'explique par la notion de gratitude; c'est à dire être destinataire d'un don et en apprécier le bonheur.
-titou-
le soir s'étire,
je suis assis dans le jardin et laisse mon regard vagabonder sur le spectacle qui m'est offert; le soleil vient de passer derrière la Mandallaz, le ciel est empourpré et zébré de tons de roses et de gris . Sur le lac en contrebas l'eau scintille et prend des teintes argentées. il y a encore quelques bateaux qui ne veulent pas rentrer au port afin de profiter de ce moment ou enfin tout se calme. Autour de moi c'est un ballet discret de vols et chants d'oiseaux.
Tout est harmonie , la nature respire et la vie est là qui vibre tout simplement; il faut dire que la journée a été consacrée à accompagner Damien et ses parents . Damien mort dans des conditions accidentelles idiotes (comme c'est souvent le cas) . J'ai vu ses parents nos amis, sa compagne, exemplaires et beaux, pleurer sous la chape écrasante de cette situation mais aussi sourire jusqu'à parfois réconforter ceux qui ne pouvaient retenir leur émotion ; une belle journée finalement ; pleine d'enseignements , d'amour , d'amitié , de communion; une leçon de force et de courage.
Oui , ce soir je suis là à regarder le ciel et à penser à ma propre finitude et je vois que la vie continue simplement mais avec force. Successions de naissances et de morts comme il y a des jours et des nuits . les cycles de la vie, la puissance de la nature, la force de l'être et sa faiblesse aussi. Tout passe .
Des images me reviennent sur des attitudes des gestes aperçus pendant cette journée qui m'ont fait pleurer.
Je ferme les yeux et savoure ce moment.
Perdre un enfant,
son enfant , est je le pense, l'épreuve la plus difficile à vivre et ce , quelque soit son âge.
Ce n'est pas dans l'ordre des choses; d'ailleurs, y -a -t'il un ordre ?
La mort frappe n'importe ou et à n'importe quel âge.
Y-a-t'il un ordre secret ?
Personne ne le sait.
La douleur des parents est indescriptible.
La mort est un évènement concret auquel on refuse de penser. Cependant, elle est là, fatale, à la porte de chacun d'entre nous.
Même si pour les autres l'existence reprend vite le dessus, la sagesse voudrait qu'on ne néglige pas la mort.
Sartre posait la question :" Voulez-vous que je vous dise pourquoi vous n'avez pas peur de la mort ? Chacun de vous pense qu'elle tombera sur le voisin."
C'est triste et injuste de voir partir un enfant, son enfant; et me renvoie à ma propre situation. A quoi sert la vie si c'est pour vivre de telles épreuves ? Comprendre quoi ?
Il n'y a rien à comprendre sauf la prise de conscience brutale de sa propre finitude.
Pourquoi la vie ?
Pourquoi la mort ?
Je n'ai pas de réponse là , maintenant et Dieu n'a rien à voir la-dedans.
Seule la philosophie m'aide à vivre et à apprivoiser le processus irréversible, afin de vivre mieux .
Au revoir Damien.